Pourquoi l’approche participative pour repenser l’accessibilité ?

Stéphanie et des partenaires communautaires lors d'une visite de chantier au Centre Vidéotron

L’accessibilité, si on veut en optimiser le potentiel, nécessite l’utilisation de différentes lunettes. Trop souvent, on associe l’accessibilité d’un lieu à sa capacité à accueillir des personnes en fauteuil roulant ou au fait de répondre aux exigences du code de construction, mais ce n’est pas du tout le cas. 

Nous pourrions alors simplement éliminer les abaissements de trottoirs et permettre aux utilisateurs de fauteuil roulant de circuler sur une surface plane exempte d’obstacle. Mais qu’arriverait-il aux personnes aveugles qui utilisent la pente de l’abaissement de trottoir et le ressaut avec le pavage de la rue pour se repérer dans l’espace et déterminer qu’ils sont à un point de décision pouvant les mettre en danger? Il faut donc penser à une panoplie d’utilisateurs aux capacités variées pour rendre les environnements plus accessibles. 

Le code de construction quant à lui est un minimum à respecter. Le monde et les pratiques de construction évoluent, mais pas toujours au même rythme que le désir et le droit des gens à avoir accès à différents environnements ou les dimensions des fauteuils roulants (triporteurs et quadriporteurs) de plus grandes tailles. Malgré que le code de construction en vigueur peut être suivi à la lettre, il se pourrait que l’environnement ne puisse être utilisé par certains ou ne pas être confortable pour d’autres. 

L’avantage de travailler en équipe

Comprendre le quotidien et les besoins des personnes ayant différents types d’incapacités et tenter de trouver le juste milieu pour identifier des solutions acceptables n’est pas simple. Je crois qu’il s’agit d’une des raisons pour lesquelles l’accessibilité peut être perçue comme un fardeau ou un bonus. Cependant, si cette réflexion sur la globalité de l’utilisation de l’environnement pour une panoplie de gens est faite dès le départ, combien de soucis/problèmes peuvent être évités! Que ce soit pour éviter des plaintes, des chutes ou une quantité réduite de personnes pouvant accéder à l’environnement, une réflexion sur l’accessibilité peut aller loin et avoir des impacts significatifs non seulement pour les personnes handicapées, mais également pour la population vieillissante et la société en général. 

Comment avoir une réflexion efficace sur le sujet?

Selon mon expérience, l’accessibilité ne peut être traitée par un seul individu s’il ne véhicule pas les propos ou ne collabore pas avec d’autres experts. Les experts de vécu, les personnes handicapées elles-mêmes, sont essentiels à la démarche. Ce sont eux qui vivent les problématiques et qui doivent, au quotidien, se buter aux limites des environnements mésadaptés. Ayant moi-même des incapacités, je peux utiliser mes expériences pour alimenter ma réflexion. Cependant, je ne vis pas au quotidien avec plusieurs incapacités. D’ailleurs une même incapacité peut se manifester de toutes sortes de façon et donc nécessiter différentes solutions. Une seule personne ne peut donc pas représenter tout le monde sans aide.

L’approche Stéphanie Gamache

Depuis plus de 10 ans, je travaille avec des personnes ayant différents types d’incapacités pour identifier des solutions, des idées, des compromis pour rendre des environnements plus accessibles. J’ai toujours privilégié la réalisation  de projets de recherche participative mettant à profit l’expérience, l’expertise et les paroles des personnes handicapées. En s’ouvrant sur la perspective des autres, en mettant en opposition des idées, en testant les choses ensemble, c’est de cette façon que j’ai bâti mon expertise. Même quand je travaille un projet seule, je ne le suis jamais vraiment puisque je mets à profit tous les apprentissages faits avec les experts de vécus que j’ai rencontrés au fil du temps.

Quand j’ai l’occasion de le faire, je privilégie l’approche participative avec des personnes handicapées. Je collabore avec des organismes de défense des droits des personnes handicapées.  Je questionne des collaborateurs de longue date et je m’intéresse à identifier des solutions en collaboration avec eux. Ce qui peut convenir dans un milieu peut ne pas être optimal dans un autre. Donc, être au courant de comment les utilisateurs sont influencés par des projets dans le milieu est, à mon avis, non seulement préférable, mais essentiel pour en assurer une implantation réussie. 


Pour mieux considérer l’accessibilité, je vous invite donc à:

  • Prendre contact et être à l’écoute des besoins et du vécu de différentes personnes ayant des incapacités. Chaque personne est différente et tout le monde évolue. Ceci est donc un travail continuel et il faut éviter de relâcher sa vigilance avec le temps. On n’a jamais tout vu!

  • Mettre à profit et reconnaître l’apport des personnes handicapées dans le processus de réflexion. Cette expertise a une valeur et mérite d’être reconnue.

  • C’est bien de connaître le contenu des codes de construction et des normes en place, mais il faut aller plus loin pour assurer le confort d’utilisation de l’environnement. La réflexion sur la mise en accessibilité d’environnements devrait se faire de concert avec les personnes concernées pour un milieu donné afin d’avoir de meilleures chances de succès.


Comme ergothérapeute consultante, je vise à mettre en application ces apprentissages dans mon quotidien. Je ne fais pas à la place des personnes handicapées. Je  veux faire les choses avec elles. Je veux être un catalyseur de changement qui offre des opportunités d’échanges et d’épanouissement pour rendre notre monde plus inclusif. La mentalité derrière l’utilité de l’accessibilité est en évolution. Je désire m’impliquer à faire connaître l’impact imposant qu’elle peut avoir dans le quotidien des gens. Éviter de faire du quotidien des personnes handicapées un champ de bataille est un début, mais pourquoi ne pas rendre ce quotidien confortable? Les répercussions seront non seulement individuelles, mais collectives.

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