L’accessibilité, pour qui et pourquoi?

Plaque d'information métallique avec inscription embossées et en Braille (Parliament Square)

L’accessibilité… Un mot utilisé à toutes les sauces, facilement confondu dans la mer de vocabulaire lié à l’accès, l’accessibilité universelle, la conception universelle, le design inclusif, etc. Pour s’y retrouver et bien comprendre l’utilité de ce concept, explorons quelques définitions.

La personne d’abord: Qu’est-ce qu’une personne handicapée?

Selon la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale (RLRQ, c. E-20.1, article 1. g)), une personne handicapée est :  « Toute personne ayant une déficience entraînant une incapacité significative et persistante et qui est sujette à rencontrer des obstacles dans l'accomplissement d'activités courantes. » Il s’agit donc d’une personne pour qui l’environnement représente souvent des barrières à son plein épanouissement en raison d’une mauvaise adéquation entre ses capacités, ses tâches et comment l’environnement est conçu. Ces personnes vivent alors des situations de handicap. Cependant, il ne faut pas penser qu’une personne handicapée se retrouve en situation constante de handicap. Ceci dépend grandement de l’environnement physique et social. Un environnement bien conçu, des adaptations, des aides techniques et de l’aide humaine peuvent faire la différence entre une situation de participation sociale et une situation de handicap. 

Mythe: L’accessibilité, c’est pour les personnes handicapées

Maintenant, appliquons les concepts mentionnés plus haut à tout être humain. Nous avons des préférences, des capacités différentes, un besoin d’aide pour réaliser certaines tâches. Nous sommes ainsi susceptibles de nous retrouver dans des situations plus ou moins agréables ou confortables parce que notre environnement ne concorde pas avec nos besoins. Que ce soit parce que nous avons de la difficulté à atteindre les produits sur une tablette à l’épicerie, à trouver notre chemin dans un nouvel environnement ou à circuler, en hiver, comme piétons en raison de la neige et de la glace. Nous pouvons tous nous retrouver en situation de handicap en raison de l’environnement. Il faut donc arrêter de croire que bien concevoir les environnements n’est utile que pour les personnes handicapées. Tout le monde peut en bénéficier. D’ailleurs, sans vouloir souhaiter de malheur à quiconque, nous pouvons tous un jour ou l’autre, devenir des personnes handicapées ou avoir un handicap temporaire (p. ex., avoir la jambe dans le plâtre et se déplacer avec des béquilles). 


Vous m’auriez dit il y a 5 ans, alors que j’étais plus jeune et en forme, que j’allais avoir des problèmes de santé importants, je n’y aurais pas cru. Je peux donc comprendre le scepticisme de certains quand je dis que tout le monde peut être une personne handicapée ou en situation de handicap. Aujourd’hui, je vis avec les séquelles d’embolies pulmonaires massives, alors que je n’avais pas de facteur de risque pour cette pathologie. Je vis au quotidien avec moins d’énergie, moins d’endurance et une capacité pulmonaire réduite bien qu’améliorée depuis mon hospitalisation. Ce n’est pas écrit sur mon front, ce n’est pas habituel pour une personne de mon âge d’avoir des difficultés de ce genre, mais le jugement des autres et la conception de l’environnement influencent mon quotidien. Je me permets donc d’ouvrir une parenthèse ici pour vous inviter à éviter les jugements quand vous ne connaissez pas une personne. Vous ne savez pas nécessairement ce qu’elle vit et votre comportement peut grandement influencer son quotidien. Comme ergothérapeute consultante, je souhaite contribuer à bâtir des environnements physiques plus inclusifs, et je vous invite tous à bâtir un environnement social plus inclusif et respectueux des différences. Ça aussi c’est important!

L’accessibilité: Comment s’y retrouver?

Comme indiqué plus tôt, l’accessibilité est reliée à une mer de vocabulaire dans laquelle il est facile de se perdre. Je veux donc profiter de l’opportunité pour vous partager mes connaissances et ma perception de ce concept.

Accessibilité universelle : Elle a pour but d’éliminer les restrictions aux opportunités d’utilisation de l’environnement. On vise alors à créer des environnements accessibles pouvant inclure des ajouts ou des adaptations. [1]

Je n’utilise pas le terme accessibilité universelle pour deux raisons principales: 

  1. Je veux contribuer à créer des environnements plus accessibles et inclusifs. Je veux éviter des ajouts ou adaptations qui peuvent être mal intégrés. Je veux proposer des solutions qui conviendront au plus grand nombre d’utilisateurs et non pas offrir des solutions de rechange pouvant être discriminatoires. Par exemple, pourquoi concevoir une entrée avec un escalier et une rampe d’accès alors qu’on pourrait opter pour une entrée de plain pied? Des adaptations peuvent être utiles, mais elles ne sont souvent pas optimales.

  2. La partie universelle de ce terme me dérange et, à mon avis, est contradictoire. S’il y a des ajouts et des adaptations, pourquoi est-ce que ce serait jugé comme universel? Et comment fait-on pour atteindre l’universel, vraiment tout le monde? L’accessibilité universelle est basée sur des critères prédéfinis, des mesures précises, comme dans les codes de construction. Si ceux-ci n’offrent pas tous les mêmes critères, les mêmes mesures et que même en respectant ces critères il y a des gens pour qui l’environnement n’est pas accessible, comment peut-on parler d’un concept universel. C’est pourquoi j’utilise le terme accessibilité plutôt qu’accessibilité universelle.

Conception universelle (universal design (en anglais) ou design universel) : Ce processus permet à diverses populations d’améliorer leur performance, leur santé, leur bien-être et leur participation sociale. Il s’agit d’un concept non absolu sans critères prédéfinis, dont les principes s’adaptent à chaque situation d’utilisation de l’environnement, sans la nécessité d’adaptation.[1] Voici les 7 concepts de conception universelle [2] :

    • Utilisation égalitaire : Utile et commercialisable auprès de personnes ayant différentes capacités;

    • Flexibilité d’utilisation : Conciliation à une vaste gamme de préférences et de capacités individuelles;

    • Utilisation simple et intuitive : Compréhension facile de l’utilisation, indépendamment de l’expérience, des connaissances, des compétences linguistiques de l’utilisateur ou de son niveau de concentration au moment de l’utilisation;

    • Information perceptible : Communication efficace de l’information nécessaire à l’utilisateur, quelles que soient les conditions ambiantes ou ses capacités sensorielles; 

    • Tolérance pour l’erreur : Réduction au minimum des dangers et des conséquences négatives  des accidents ou des actions involontaires;

    • Effort physique minimal : Utilisation efficace et confortable, générant une fatigue minimale;

    • Dimensions et espace libre pour l’approche et l’utilisation : Une taille et un espace adéquats pour s’approcher, saisir, manipuler et utiliser le bien, quelles que soient la taille, la posture ou la mobilité de l’utilisateur.

Je préfère parler de conception universelle quand je parle de ma pratique puisque je contribue au processus de réflexion pour penser à tous, en allant au-delà des codes et des normes recommandés. Chaque contexte est différent et mérite une analyse spécifique. Pour rendre les environnements accessibles et confortables, le minimum que représentent les codes de construction n’est pas suffisant. Certaines normes vont plus loin et sont d’une grande utilité pour l’atteinte de ce confort d’utilisation, mais une analyse du contexte demeure nécessaire pour bien les intégrer et dans certains cas, elles ne seront pas suffisantes. Je ne pourrai jamais mettre assez d’emphase sur ce point: Le code de construction, c’est un minimum obligatoire à respecter. Pour rendre un environnement réellement accessible et confortable pour tous, une réflexion additionnelle est essentielle.

Design inclusif : La définition, la philosophie et les 7 concepts derrière l’utilisation de ce terme sont les mêmes que pour la conception universelle. Au Royaume-Uni, il s’agit de la terminologie utilisée plutôt que conception universelle.

N’étant pas designer, je me sens moins interpellée par cette terminologie, mais je trouve l’utilisation du terme inclusif très intéressante. Jusqu’à un certain point, conception universelle et design inclusif font référence au même concept. L’utilisation de l’universelle dans conception universelle me dérange moins parce que l’objectif, la conception vise l’universel et l’idée de l’inclusion. J’ai remarqué une utilisation plus marquée du terme conception universelle, possiblement en raison de la facilité d’association avec celui de l’accessibilité universelle qui est encore plus connu. Donc, par souci de faciliter la compréhension de mon champ d’action et mon souci de ne pas faussement me présenter comme designer, mais plutôt comme contributrice au processus de conception, j’utilise le terme conception universelle.


Conclusion: Et après tout?

J’espère vous avoir convaincu que:

  • L’accessibilité n’est pas utile qu’aux personnes handicapées. L’ensemble de la société est concernée et tout le monde peut contribuer à rendre l’environnement social plus inclusif;

  • Les codes de construction offrent un minimum, mais pour rendre un environnement réellement accessible, confortable et inclusif, il faut aller au-delà des codes en place et réfléchir au contexte. Ce qui peut très bien fonctionner dans un contexte peut ne pas être adéquat dans un autre; et

  • La panoplie de termes utilisée pour discuter de l’accessibilité peut renfermer des concepts/significations bien différentes, mais également des subtilités peu évidentes. Personnellement, je parle d’accessibilité de l’environnement et de la conception universelle. Mais, l’important dans tout ça, ce n’est pas tant le vocabulaire, c’est l’objectif. C’est l’inclusion de tous, l’élimination des barrières à participer à la société, l’aide que peut apporter un environnement bien conçu aux individus, aux proches aidants et, au final, à la société en général.


[1] Steinfeld, E. and J.L. Maisel, Universal design: Creating inclusive environments. 2012, Hoboken, NJ: John Wiley & Sons.

[2] Preiser, W.F.E. and K.H. Smith, Universal design handbook. 2nd edition ed. 2011, USA: McGraw-Hill.

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