Pourquoi une ergothérapeute pour repenser l’accessibilité ?

Personne en fauteuil roulant sur un trottoir crevassé

L’ergothérapie… Ma profession est mal connue du public, de plus j’ai choisi un chemin peu commun au sein même de ma profession, soit de réadapter et adapter l’environnement et non pas des personnes. Pourquoi cette magnifique profession est utile pour repenser l’accessibilité ? Et comment puis-je contribuer à l’améliorer ? Commençons par mieux définir ce qu’est un(e) ergothérapeute.


La pratique de l’ergothérapie est régie par l’Ordre des ergothérapeutes du Québec (OEQ) qui identifie les buts de l’ergothérapie comme suit: 

  • Favoriser l’autonomie des personnes, 

  • Permettre aux personnes d’avoir une qualité de vie satisfaisante, 

  • Faciliter leur maintien dans un milieu de vie répondant à leurs besoins et à leurs préférences et 

  • Faciliter leur intégration dans la communauté.


Nous œuvrons donc dans le quotidien des personnes de tous âges, ayant des conditions de santé physique ou mentale variées, afin de les aider à réaliser les tâches qu’elles désirent accomplir et avoir les rôles qu’elles veulent endosser. Voici la définition du champ d’exercices de l’ergothérapie telle que présentée par le Code des professions :

« Évaluer les habiletés fonctionnelles d’une personne, déterminer et mettre en œuvre un plan de traitement et d’intervention, développer, restaurer ou maintenir les aptitudes, compenser les incapacités, diminuer les situations de handicap et adapter l’environnement dans le but de favoriser l’autonomie optimale de l’être humain en interaction avec son environnement. »

Pour ce qui est de ma pratique comme consultante, je m’intéresse spécifiquement à « diminuer les situations de handicap et adapter l’environnement ». Mon objectif n’est pas d’évaluer des personnes et de les aider à acquérir ou maintenir leurs capacités, mais bien d’améliorer l’environnement, et ce, pour tous, dans une approche populationnelle. Comme ergothérapeute, je suis consciente des impacts fonctionnels de pathologies influençant la réalisation de tâches et l’utilisation de différents environnements. Bien que les codes de construction et les normes de conception sans obstacles exigent des concepteurs un minimum pour assurer l’accessibilité des lieux, tous les utilisateurs n’y trouvent pas leur compte. Souvent l’emphase est mise sur l’accessibilité en fauteuil roulant et les personnes présentant des déficiences sensorielles sont oubliées. Les besoins variés des personnes handicapées peuvent rendre l’objectif d’accessibilité universelle difficile à atteindre. Par exemple, un utilisateur de fauteuil roulant manuel pourrait préférer qu’un trottoir soit abaissé au niveau du pavage de la rue, alors qu’une personne ayant une déficience visuelle préférerait qu’une démarcation s’y trouve afin de mieux s’orienter dans l’espace et ainsi éviter de se mettre en danger. C’est une des raisons pour laquelle je préfère utiliser le terme accessibilité plutôt qu’accessibilité universelle. L’atteinte de la solution optimale, de l’universel, n’est pas toujours possible, mais il est possible de s’en approcher, surtout quand on peut influencer le processus de conception dès le départ! D’ailleurs c’est pour cette raison que j’indique que je suis consultante en conception universelle, je pense que dès les débuts d’un projet il faut penser à l’accessibilité aux personnes handicapées.

Voyant une grande injustice dans le fait que les environnements ne sont pas conçus pour que le plus grand nombre d’utilisateurs puisse y avoir accès, j’ai décidé d’entamer des travaux de recherche pour tenter d’y remédier à ma façon. Tout d’abord, j’ai développé un outil d’évaluation de l’accessibilité permettant de trouver un juste milieu pour répondre aux besoins du plus grand nombre de personnes ayant des incapacités. J’ai également développé des lignes directrices de conception d’aménagements piétonniers accessibles (non régis actuellement par des normes). J’ai également contribué à des études d’impact sur la santé de projets d’aménagement du territoire pour tenter de réduire les effets néfastes et potentialiser les effets positifs de ces derniers pour l’ensemble de la population, incluant les personnes handicapées.

La conception universelle et l’accessibilité ne sont donc pas l’accent habituel de ma profession, bien que l’évaluation et l’adaptation de l’environnement pour permettre aux individus de pouvoir en bénéficier font partie des responsabilités que peuvent avoir les ergothérapeutes. L’analyse d’activités dans des environnements donnés, en considérant une panoplie d’individus aux capacités variées, fait partie de mon quotidien. En ayant été en contact avec les personnes concernées, en collaborant avec le milieu associatif défendant les droits des personnes handicapées et en ayant des connaissances approfondies sur le sujet de l’accessibilité basées sur des évidences scientifiques, je considère le processus de conception et l’accessibilité d’un œil différent. Je vais au-delà des codes de construction et des normes en place. J’effectue une analyse personnalisée du contexte puisque chaque milieu est différent et qu’une solution unique ne peut être utilisée à toutes les sauces. J’y juxtapose ma connaissance des besoins des utilisateurs qui peuvent être mal compris ou stéréotypés.

Je suis d’avis que l’ergothérapeute est un acteur ayant un grand potentiel dans la conception universelle et mise en accessibilité d’environnements, mais habituellement il/elle travaille avec une clientèle particulière. Il peut donc être intéressant de combiner les savoirs de différents professionnels de la santé afin de considérer le plus grand nombre d’utilisateurs possible. Ayant collaboré pendant plusieurs années avec des personnes ayant des incapacités variées (motrices, visuelles, auditives, intellectuelles et cognitives), je n’ai jamais qu’une clientèle en tête, ce qui est très avantageux pour considérer l’accessibilité. Malgré tout, je suis convaincue que la conception universelle et l’accessibilité ne devrait jamais être traitée par une seule personne, il s’agit d’un travail interdisciplinaire qui s’alimente par le débat d’idées et qui mérite d’être validé auprès des utilisateurs.

Donc, pourquoi une ergothérapeute pour repenser l’accessibilité ? 

  • Parce que l'évaluation et l’adaptation des environnements et des tâches y étant réalisées par les personnes ayant des incapacités variées font partie des champs de compétence de l’ergothérapeute.

  • Même lorsque les codes de construction et les normes en vigueur sont respectés et que les ergothérapeutes sont formés sur les enjeux vécus par leur clientèle habituelle, les besoins des personnes handicapées ne sont pas toujours répondus. Une bonne connaissance des besoins de différents groupes de personnes handicapées permet d’identifier des solutions offrant un compromis acceptable.

  • Parce qu’en développant une expertise en lien avec l’accessibilité de l’environnement intérieur et extérieur, il est possible d’atteindre une maîtrise de l’analyse d’activités réalisées dans différents environnements tout en considérant des personnes aux compétences variées, surtout en apprenant du vécu de ces personnes.

  • Parce que l’ergothérapeute est un acteur complémentaire au processus de conception d’environnements permettant de mieux prendre en compte les besoins des humains qui vont en faire l’utilisation et qui voudront se l’approprier. Étant formé pour considérer l’humain, dans son environnement, réalisant une activité, l’ergothérapeute peut être un catalyseur intéressant pour mener les discussions pour guider les gestionnaires, les chargés de projet, les concepteurs, les autres professionnels de la santé impliqués et les utilisateurs à considérer l’ensemble de ces facteurs afin d’optimiser l’accessibilité.

Du moins, c’est le défi que je désire relever tous les jours. Venez repenser l’accessibilité avec moi!


Stéphanie Gamache, PhD erg.

info@stephaniegamache.com

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L’accessibilité, pour qui et pourquoi?